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Anxieux, le garçon hésite avant de commencer à témoigner. Il regarde avec curiosité la caméra, respire et attend que le bruit des klaxons du quartier du 23 de Enero – l'un des plus peuplés et des plus pauvres de Caracas – le laissent parler. « Ça enregistre ? Bon. Je m'appelle Andrés López, j'ai 15 ans, et la seule chose que je voudrais changer au Venezuela, c'est la peur de la violence », dit-il. « Si tu traînes dans la rue, on va te voler, on va t'enlever, c'est ce que ma mère me répète tous les jour. C'est une atmosphère de terreur. »
Les inégalités sociales ont significativement diminué depuis l'arrivée de Hugo Chavez au pouvoir. Et l'insécurité reste un thème majeur. Selon un sondage de l'institut de statistiques chiliens, Latinobarometro, pour 61 % des Vénézuéliens il s'agit de la première préoccupation. C'est aussi le principal cheval de bataille de l'opposition contre le président. Certains assurent que l'insécurité a augmenté depuis l'élection du leader vénézuélien. D'autres soulignent qu'elle a toujours été un phénomène préoccupant.
« Il y a des groupes d'habitants qui protègent leur zone de manière anormale avec des pistolets et des armes », poursuit Andrés, en faisant allusion aux milices armées qui circulent dans les quartiers de Caracas. « Au bout du compte, ils terrorisent les gens. La paix n'existe pas au Venezuela ». De fait, le Venezuela est l'un des pays les plus violents au monde avec un taux de 49 homicides pour 100 000 habitants, selon les chiffres du gouvernement et de l'Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC).
« Parmi les dix pays avec les taux d'homicides les plus élevés, on constate que huit sont latino-américains. Le Venezuela figure en cinquième position. Ce qui prouve que les mesures sociales ne sont pas suffisantes pour diminuer les indices de violence et de criminalité », a admis Chavez au mois de juin lors du lancement de Gran Misión a toda Venezuela. Un programme gouvernemental qui vise à diminuer la violence. Le budget total du projet se monte à 287 millions de bolivars (environ 54 millions d'euros).
« Entre 60 % et 70 % des crimes sont commis par des jeunes. L'objectif de cette mission est de réduire la formation de délinquants. Des jeunes, qui malheureusement finissent par commettre des crimes », a expliqué le ministre de l'Intérieur, Tarek El-Aissami. En mai, le gouvernement a annoncé une autre mesure de sécurité publique : l'interdiction de vendre des armes aux civils. « Au Venezuela, plus de 90 % des homicides sont perpétrés avec des armes à feu. Ce qui nous oblige à adopter des mesures radicales pour traiter cette question », insistait El-Aissami à l'époque.
En plus de la grande quantité d'armes en circulation, l'influence du crime organisé et la corruption des corps de police sont d'autres facteurs d'inquiétude. A cet égard, La création de la Police Nationale Bolivarienne a été l'une des principales mesures du gouvernement vénézuélien. Il a aussi lancé « l'Indice Global des Corps de Police au Venezuela ». Plus de 170 indicateurs vont mesurer l'efficacité, le respect des droits de l'homme et diverses autres données liées à l'activité. L'Université Nationale Expérimentale de Sécurité a aussi été fondée. Les nouveaux policiers y suivront leurs études supérieures.
Thème de campagne
Aucune de ces mesures ne semblent calmer les accusations de l'opposition, qui a choisi la sécurité publique comme principale thème de campagne pour l'élection présidentielle. « Chavez prétend que la violence trouve ses origines dans le capitalisme, dans les feuilletons des chaînes de télévision, dans les gouvernements antérieurs. Jamais il n'assume ses responsabilités », affirme Leopoldo Lopez, ex-maire de Chacao, dirigeant du parti Première Justice, et principal meneur de la campagne du candidat de l'opposition, Henrique Capriles. « C'est évident, on a perdu le contrôle de la situation ».
Selon les chiffres de López, il y a eu 150 000 homicides durant les 14 années du gouvernement Chavez. De ce total, 140 000 n'auraient pas été résolus. Et les cas d'enlèvements auraient augmenté de 2 500 %.
L'Observatoire Vénézuélien de la Violence (OVV) décrit aussi un scénario alarmant. Le gouvernement accuse cependant cette ONG d'être financée par l'opposition. En 1999, au début du mandat de Chavez, le pays aurait enregistré chaque année 6 000 homicides environ. En 2011, cet indice est passé à 19 300 assassinats, selon l'OVV.
Le sentiment d'insécurité
Selon un enquête menée par Latinobarometro, le sentiment d'insécurité, en hausse, serait en décalage par rapport aux indicateurs réels. L'indicateur, qui calcule le pourcentage de foyers dont l'un des membres a été victime d'un délit lors des douze derniers mois, serait retombé à son niveau historique normal, 31 % en 2011. Entre 2001 et 2007, cet indicateur avait atteint 50 %. Pourtant, le sentiment d'insécurité est en hausse de 8 % depuis 2003. Pour 61 % des sondés, c'est une question majeure.
Ce décalage que les autorités gouvernementales attribuent en partie à l'exploitation du thème par les médias anti-Chavez, se répercute de manière différente dans les différentes couches de la population. Pour la classe moyenne et les plus riches, la violence est devenue un motif fondamental pour remettre en cause le président vénézuélien. Parmi les plus pauvres, le gouvernement national se partage la responsabilité avec les administrations régionales et municipales, souvent entre les mains de l'opposition.
La poussée du thème dans l'opinion publique a, de toute façon, fait de la violence urbaine une question de première importance dans les plans chavistes. Le lancement de Gran Misión a toda Venezuela témoigne de cette nouvelle focalisation qui provoque des polémiques sur le contenu du programme.
L'opposition réclame plus de répression et de policiers dans les rues. Elle dénonce aussi férocement la corruption des actuels appareils de sécurité. Même si le gouvernement met en place des politiques qui renforcent la présence policière, il continue d'associer la lutte contre la criminalité à l'amélioration des indicateurs sociaux. Il assure une présence forte de l'État dans les quartiers les plus sensibles en offrant des services et des nouvelles perspectives.
Pour Andrés Antillano, professeur de l'UCV (Université Centrale du Venezuela) et criminologue, les solutions doivent prendre en compte la récupération des espaces publics. « L'origine de la violence est sociale et elle est essentiellement présente chez les plus pauvres », affirme-t-il. « C'est la raison pour laquelle elle doit être combattue avec des politiques sociales et une organisation politique, de concert avec les interventions policières ».
Traduction: Jérôme da Silva
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