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À son retour de voyage au Brésil début août, quand il a formalisé l'entrée du Venezuela dans le Mercosur (Marché Commun d'Amérique du Sud), Hugo Chavez a annoncé que plusieurs entreprises internationales souhaitaient s'installer dans le pays. Pour le président, il s'agit des premiers résultats d'un effort d'adhésion, qui selon ses dires, ont commencé avant son arrivée au pouvoir.
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Chavez a réuni son équipe sur la base aérienne de Maiquetia pour révéler que l'entreprise nord-américaine General Motors, les japonaises Yamaha et Samsung et la française Renault désiraient ouvrir des usines dans le pays. Il a rappelé les conversations qu'il a échangées, juste après sa première élection, avec les ex-présidents, argentin, Carlos Menem et, brésilien, Fernando Henrique Cardoso. « J'ai dit que je souhaitais que le Venezuela fasse partie du bloc », a-t-il déclaré. « Mais la réponse a été froide. C'est seulement ensuite avec les victoires de Lula et Kirchner qu'une corrélation de forces s'est créée en faveur de l'intégration et des changements ».
Le premier protocole pour une candidature au Mercosur a été signé en 2006. Mais le parlement brésilien avait démontré une forte opposition. L'approbation est seulement intervenue en 2009 à la suite d'âpres négociations entre le gouvernement et l'opposition au Sénat. L'Argentine et l'Uruguay avaient déjà franchi cette étape. L'adhésion du Venezuela a cependant été bloquée par des députés et sénateurs du Paraguay, malgré l'appui du président Fernando Lugo. Comme les décisions au sein de l'organisme régional sont prises à l'unanimité, la situation s'est trouvée dans l'impasse.
Ironiquement, l'absence du représentant paraguayen a facilité le processus. Suspendus pour manquement à la clause démocratique, les Guaranis ont perdu provisoirement le droit de vote et de veto au sein du Mercosur. Il a suffi du consentement des trois autres membres pour entériner l'adhésion du Venezuela.
« Nous n'étions pas membre du Mercosur à cause de l'opposition systématique du Congrès paraguayen », souligne Maximilien Arvelaiz, ambassadeur du Venezuela au Brésil. « Les parlementaires qui boycottaient notre adhésion sont les mêmes qui ont organisé le putsch contre Lugo ». Cette étape surmontée, de nouveaux problèmes surgissent.
La Fedecâmaras (Fédération des Chambres et Associations de Commerce et de Production du Venezuela), la Conindustria (Confédération Vénézuélienne des Industries), la Favenpa (Chambre des Fabricants Vénézuéliens de Produits Automobiles), certaines des principales entités patronales, dont la sensibilité est proche de l'opposition ont montré une certaine méfiance à l'égard de la nouveauté. Les arguments se ressemblent : tous affirment que les entreprises nationales, hormis PDVSA, ne sont pas compétitives et rencontreront des difficultés pour faire face à la concurrence au sein du Mercosur et perdront des parts de marché dans le pays.
Le gouvernement a promis de créer un fond, avec pour commencer 500 millions de dollars, afin d'améliorer les capacités de production. Le Venezuela a annoncé sa première exportation dans le cadre du Mercosur en août dernier. Il s'agit d'une cargaison de 82 000 tonnes de verre de l'entreprise publique Venvidros (Entreprise Vénézuélienne de Verres) à destination du Brésil et de l'Argentine.
Changement
L'entrée dans le Mercosur est l'événement le plus récent d'un retournement radical de la politique internationale vénézuélienne. En 2000, au début de son gouvernement, Chavez a fait ses premiers pas dans les relations internationales en organisant à Caracas, le 2ème sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays membres de l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole). Fait inédit, les présidents algérien, indonésien, iranien, nigérian, qatari, des Émirats Arabes Unis, irakien, lybien et du Koweit se sont retrouvés au Venezuela. Cette rencontre a été décisive pour le contrôle de l'offre mondiale de pétrole et pour la hausse de son prix sur le marché mondial.
« Le Venezuela est l'un des membres fondateurs de l'OPEP, pourtant le pays était tourné vers l'Europe Occidentale et les États-Unis », souligne Maximilien Arvelaiz. « À partir de cette conférence, le gouvernement a développé ses relations internationales, en rompant progressivement avec la dynamique dictée par les intérêts des puissances occidentales. Le bas prix du pétrole ruinait les nations productrices ne servant que les multinationales et les pays consommateurs. »
Chavez aime dire qu'il travaille « pour un monde à plusieurs centres, multipolaires ». Sa palette d'initiatives, en plus de l'OPEP, s'est étendue à des alliances durables avec l'Iran, la Biélorussie, la Russie et la Chine. Le Venezuela maintient avec ces pays en développement des relations commerciales, des accords financiers, des projets industriels et des pactes de coopération militaire. Les États-Unis continuent d'être un client important, spécialement dans l'achat de pétrole, mais le gouvernement a pour objectif de diversifier au maximum ces partenaires.
Amérique Latine
Mais le principal but de cette stratégie se concentre sur l'Amérique Latine. « Toutes les initiatives régionales que nous aidons à mettre en place – Union des Nations Sud-Américaines (UNASUL), Alliance Bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique (ALBA), Communauté d'États Latino-Américains et Caraïbes (CELAC) – sont des espaces qui consolident un bloc intégré et souverain », explique Maximilien Arvelaiz.
Peut-être que l'ALBA est la plus audacieuse offensive du mandataire vénézuélien. La proposition a été lancée lors du 3ème sommet des chefs d'État de l'Association des États des Caraïbes, au début de son mandat. « Notre modèle ne peut pas reposer sur ce modèle néo-libéral » a-t-il asséné à l'époque. « Nous voulons un modèle qui intègre réellement. Ou nous nous unissons ou nous sombrons ». L'Alliance fondée en 2004 rassemble le Venezuela, Cuba, l'Équateur, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda.
Ce pacte a permis la création d'investissements communs en plus d'une zone monétaire régionale. Une partie des relations commerciales entre les pays membres est déjà réalisée à travers le Sucre, monnaie commune à ce groupe de pays. À l'inverse des autres blocs, l'ALBA n'a pas comme fondement la libéralisation du commerce ou la fin des barrières douanières. Il essaie d'établir un mécanisme d'assistance mutuelle dans les domaines de l'économie, des politiques sociales et des échanges culturels. L'ALBA agglomère autour d'elle ce que l'on peut appeler un « noyau dur » de gouvernements alliés de Chavez.
Brésil
Même s'il ne participe pas de cette association, le Brésil demeure l'un des principaux partenaires du président vénézuélien. La balance commerciale entre les deux voisins, selon les données du ministère du Développement, de l'Industrie et du Commerce extérieur brésilien a augmenté de près de 300 % lors de 14 dernières années. De 1,46 milliards de dollars en 1998 à 5,8 milliards en 2011.
Le Brésil a l'avantage puisque ses exportations ont été multipliées par six durant cette période. Elles ont atteint en 2008 la somme de 5,15 milliards de dollars. Autre événement historique : de cinquième partenaire du pays caribéen, le Brésil est devenu le troisième, devancé par les États-Unis et la Colombie.
Le pétrole et ses dérivés représentent 65 % des ventes du Venezuela au Brésil. Le restant des exportations se compose d'huile brute, d'aluminium, de fer, d'acier, de minerais et d'énergie électrique. De son côté le Venezuela achète principalement au Brésil des produits alimentaires basiques, comme du sucre, des viandes bovines, des volailles, des œufs, du café et des grains. Avec la poussée de la coopération brésilienne dans l'agriculture vénézuélienne, le pays voisin a aussi gagné des parts de marché dans les domaines des machines, des tracteurs, des camions et des pneus.
En plus des échanges commerciaux, les investissements ont augmenté significativement, notamment de la part d'entreprises brésiliennes qui opèrent sur plusieurs chantiers importants dans les infrastructures. Ils concernent la construction de logements, les usines sidérurgiques, les systèmes d'irrigation agricole et raffinerie. La Banque Nationale de Développement Économique et Sociale (BNDES), la banque d'investissement brésilienne, finance certains de ces projets. D'autres font appel à des lignes de crédits privés.
Par ailleurs un gigantesque chantier sur le sol brésilien est en oeuvre. Dans l'improvisation, les deux gouvernements ont forcé la Petrobras et la PDVSA à s'associer pour édifier, dans le Pernambouc, la Raffinerie Abreu et Lima. Malgré le retard de la contribution vénézuélienne et des difficultés rencontrées pour consolider le plan de financement du projet, la raffinerie prend corps petit à petit. Elle pourrait devenir une puissante unité de raffinage de combustible et autres dérivés.
L'adhésion au Mercosur devrait accélérer le rythme de cette intégration et l'institutionnaliser. L'une des initiatives qui devraient en tirer profit est la Banque du Sud. Imaginée par Chavez et Lula comme une société entre les pays de la sous-région, elle a pour mission de financer des projets locaux grâce à une partie des réserves internationales déposées par les pays signataires. Le développement des infrastructures énergétiques est un autre atout. Elles devraient combiner les sources hydroélectriques avec les réserves d'hydrocarbures, en particulier le gaz et le pétrole.
Traduction: Jérôme da Silva
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